Au cœur de Paris, dans le 1er arrondissement, la place Vendôme est connue à travers le monde entier pour accueillir, dans un écrin architectural grandiose, les plus prestigieux noms de la joaillerie, de l’horlogerie et de la bijouterie. Mais si elle est aujourd’hui un symbole du luxe à la française, la place Vendôme conserve en ses pierres les traces d’une histoire de France mouvementée.

Une des places royales de Paris

C’est sous Louis XIV que la construction de la place est décidée, avec pour objectif premier celui de glorifier la monarchie, à l’instar des autres places royales que sont les places des Vosges (1612), Dauphine (1614) et des Victoires (1686). L’architecte du château de Versailles, Jules Hardouin-Mansart, en dessine le plan octogonal et conçoit les façades corinthiennes des différents hôtels qui doivent l’encadrer. Alors appelée place Louis-le-Grand, elle est aménagée au nord du jardin des Tuileries et du Louvre. Aujourd’hui, on y accède par la célèbre rue de la Paix et par la luxueuse rue de Castiglione.

A la fin du 17e siècle, les plans sont terminés et le chantier est lancé. Mais très vite, les finances viennent à manquer et le projet est privatisé. Les façades doivent malgré tout conserver les plans de Mansart. Elle prend rapidement le nom de place Vendôme, du nom d’un hôtel présent à l’origine du projet. Cet hôtel était celui du duc de Vendôme, racheté par le roi de France pour rendre possible la construction de la place.

Ce joyau de l’architecture classique reçoit en son centre une statue équestre monumentale de Louis XIV, laquelle est installée au sommet d’une colonne. C’est d’ailleurs la présence de cette statue qui dicte le premier nom de la place, à savoir place Louis-le-Grand. Elle changera encore de nom, quasiment au même rythme que les souverains se succèdent à la tête de la France. Cette statue originelle, commandée par Louvois au célèbre sculpteur Girardon, a ainsi été détruite en 1792, lors de la Révolution.

La colonne Vendôme

La première colonne de la place Vendôme a donc été érigée en 1699, date à laquelle la construction de la place est achevée, et elle représentait le roi Louis XIV. Mais la colonne que nous connaissons aujourd’hui n’a rien à voir avec cette première œuvre. Elle fait au contraire référence à l’Empire et à Napoléon. Son histoire est des plus mouvementées, comme celle de la France pendant les décennies qui suivent la Révolution.

De Louis XIV à Napoléon

En 1792, pendant la Révolution, la statue de Louis XIV est déboulonnée et détruite. En 1810, une nouvelle colonne voit le jour. Elle doit commémorer la victoire de la Grande Armée sur les troupes austro-russes à Austerlitz en 1805. La colonne est conçue sur le modèle de la colonne Trajane de Rome. Cette colonne triomphale commémore pour sa part la victoire de l’empereur Trajan sur les Daces au début du 2e siècle de notre ère. Là aussi, la statue qui la surmontait a été remplacée ; la colonne ne supporte plus une représentation de l’empereur romain, mais une statue en bronze de saint Pierre et ce, depuis la fin du 16e siècle. Toujours est-il que ce monument antique, symbole de victoire militaire et qui a traversé les âges, ne pouvait être qu’une formidable source d’inspiration pour Napoléon. La colonne d’Austerlitz de l’actuelle place Vendôme en reprend de nombreux codes : la statue sommitale et triomphale, mais aussi les bas-reliefs en bronze et historiés qui s’élèvent en spirale tout autour du fut de la colonne.

Le bronze qui la compose provient d’ailleurs des canons ennemis. S’élevant en spirale, ces panneaux gravés relatent les hauts faits militaires napoléoniens. Et au sommet est érigée la statue impériale de Napoléon en César. Elle constitue une autre référence de taille au grand Empire romain et vient encore assoir la légitimité et le pouvoir de Napoléon.

En 1814, avec la chute de Napoléon, la statue est déboulonnée. Elle est d’abord remplacée par un drapeau fleurdelysé puis, en 1833, par une statue de Napoléon en caporal, érigée cette fois par le roi Louis-Philippe. Dans les années 1860, Napoléon III change encore la donne et replace à nouveau une statue de son oncle en empereur romain.

La Commune et l’affaire Courbet

La Commune de Paris éclate en 1871 et la colonne, symbole militariste et impérial, est abattue par le peuple. Le peintre Gustave Courbet en est d’ailleurs tenu pour responsable. En effet, après la proclamation de la IIIe République, il rédige une pétition à travers laquelle il exige de déboulonner la colonne…, mais pour la faire ensuite reconstruire aux Invalides. C’est à lui, après la répression de la révolte parisienne, que Mac-Mahon demandera de rembourser les frais de reconstruction. Gustave Courbet mourra avant de payer la première traite.

Quelles que soient les réelles motivations du peintre d’Ornans, les communards prévoient d’abattre la statue le 5 mai 1871, jour anniversaire de la mort de l’empereur. Mais ils y arriveront seulement le 16 mai 1871.

De 1875 à aujourd’hui

En 1875, la colonne Vendôme reparaît à l’identique sur la place, avec une réplique de la statue napoléonienne : celle que l’on voit toujours aujourd’hui.

La colonne Vendôme a été entièrement restaurée entre 2014 et 2015 sur financement du Ritz, célèbre hôtel de luxe situé sur la place.

Le sort des statues

De la première statue monumentale équestre de Louis XIV réalisé par Girardon, il ne subsiste qu’un pied, conservé au musée Carnavalet. La première statue de Napoléon en César, réalisée par Antoine-Denis Chaudet, a été fondue en 1818 ; seul le globe de la victoire a subsisté. La statue de l’empereur en petit caporal qui couronne la colonne en 1833 est pour sa part l’œuvre de Charles Emile Seurre ; elle se trouve désormais dans la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides. La dernière et ultime statue de Napoléon est réalisée d’après Chaudet par Auguste Dumont. Restaurée en 1875, c’est cette statue que l’on voit toujours de nos jours place Vendôme.

L’écrin du luxe à la française

Après avoir été le temple des victoires napoléoniennes et des révoltes, la place Vendôme est devenue celui du luxe à la française.

C’est à la fin du 19e siècle, en parallèle de l’ouverture du Ritz, palace réputé à travers le monde, que de nombreux joailliers quittent la rue de Rivoli pour s’installer sur l’ancienne place royale. Le premier grand nom est celui de Frédéric Boucheron, qui s’installe en 1893 sur la place pour, notamment, se rapprocher de l’opéra Garnier. La légende veut aussi que le joaillier fasse ce choix en raison de la lumière qui baigne la place. Boucheron l’aurait jugée idéale pour mettre en valeur ses créations et leurs couleurs.

Sur la rue de la Paix et sur la place, de nombreux artisans du luxe l’imitent : Cartier, Chaumet, Van Cleef et Arpels, Mauboussin… Les horlogers de prestige les rejoignent progressivement : Piaget, Chopard, Rolex… Enfin, les grandes maisons de couture installent aussi leurs boutiques dédiées aux bijoux : Chanel, Dior, Vuitton…

A savoir que l’Hôtel de Bourvallais situé place Vendôme accueille le Ministère de la Justice depuis le 18e siècle.

En quelques décennies, la place Vendôme est devenue la capitale mondiale des bijoux et du luxe. Derrière les vitrines qui se succèdent tout autour de la colonne, les plus belles créations au monde et les plus belles pierres précieuses étincellent de mille feux, dans un écrin de pierre magnifiquement préservé.